Application de l’exploration de processus dans un audit de performance : une étude de cas

Jans et coll. (2013) considèrent que pour convaincre les auditeurs d’intégrer l’exploration de processus dans leur trousse à outils, il est nécessaire de démontrer de façon convaincante que cette technologie ne révolutionne pas seulement l’analyse statistique, mais aussi les activités d’audit. Étant donné que l’exploration de processus est coûteuse en termes d’efforts et d’acquisition de compétences, elle doit être vue comme un moyen de réduire la charge de travail des auditeurs dans d’autres domaines ou de leur permettre de faire des observations qui ne seraient pas possibles autrement.

Dans les activités d’audit du secteur public, une grande part du travail consiste, au-delà de la vérification de l’exactitude des données financières, à évaluer l’efficience des processus d’une organisation ou l’efficacité de la mise en œuvre des politiques (Fluxicon, 2020). En outre, contrairement à la plupart des processus opérationnels en milieu d’affaires, qui sont relativement normalisés, les activités du secteur public sont intrinsèquement diverses et soumises à des changements constants. L’exploration de processus montre donc toute son utilité dans le secteur public, car elle peut être utilisée pour découvrir des processus que les auditeurs ne connaissent pas encore bien – par exemple ceux appuyant un programme social nouvellement mis en œuvre.

L’exemple suivant illustre l’application de l’exploration de processus dans un audit de performance réalisé par la Cour des comptes européenne (CCE) (CCE, 2019a). L’audit a permis d’évaluer si les consultations publiques de la Commission européenne « permettaient vraiment d’aller à la rencontre des citoyens et de mettre à profit leurs contributions ». Ces consultations publiques sont un moyen pour les citoyens européens d’exprimer leur opinion sur les actions et les initiatives de l’Union européenne (UE). L’audit de ce processus de consultation relativement simple a permis à la CCE de démontrer, dans un projet pilote, que l’exploration de processus peut être appliquée dans les activités d’audit.

Le processus de consultation se divise en trois phases comportant chacune plusieurs étapes consécutives (CCE, 2019a). Ces phases sont libellées comme suit : « établir la stratégie de consultation », « mener les travaux de consultation » et « éclairer l’élaboration des politiques » (figure 3).

Comme le processus de consultation consiste en une séquence d’étapes prédéterminées, chacune avec ses échéances respectives, il a pu être analysé par des techniques d’exploration de processus. Les données de la Commission européenne utilisées dans le logiciel d’exploration de processus se présentaient sous la forme d’un fichier Excel constitué de colonnes contenant le numéro de consultation (numéro de cas), les étapes de la consultation publique (événement) et les dates de début et de fin de chaque étape (estampille temporelle). Il s’agissait donc d’un petit ensemble de données bien structuré (CCE, 2019b; Fluxicon, 2020).

La visualisation fournie par la technique de la découverte de processus a permis de comprendre l’intégralité du processus de consultation et d’identifier des anomalies sans informations contextuelles. Dans la figure 4, qui fournit une visualisation simplifiée du modèle de processus, les étapes en bleu foncé représentent les activités les plus fréquentes : feuille de route ou analyse d’impact initiale (établir la stratégie de consultation), consultation publique ouverte ou CPO (mener les travaux de consultation), rapport factuel (éclairer l’élaboration des politiques) et rapport de synthèse (éclairer l’élaboration des politiques).

La technique du contrôle de conformité a également été appliquée pour comparer le modèle inféré automatiquement aux données du journal des événements, ce qui a montré en quoi le comportement réel diffère du processus défini par la Commission européenne. Cette analyse a révélé que sur 26 consultations publiques, trois n’ont pas fait l’objet d’un rapport de synthèse et deux ont nécessité des étapes supplémentaires après la proposition législative (figure 5). Il en a été déduit que ces cas s’écartaient des processus décrits.

En résumé, dans cette étude de cas, l’exploration de processus a apporté une valeur ajoutée à deux niveaux : 1) elle a simplifié la compréhension de la conception du cadre mis en place par la Commission pour les consultations publiques; et 2) elle a aidé l’équipe d’audit à identifier les écarts par rapport au processus normal de consultation. Le cas présenté dans cet exemple est très simple. Les auditeurs doivent garder à l’esprit que l’exploration de processus peut être appliquée à des processus bien plus complexes et à des millions de transactions.

À l’instar de la Cour des comptes européenne, d’autres bureaux d’audit du secteur public ont commencé à utiliser des techniques d’exploration de processus dans leurs audits de performance. Au Canada, cela fait déjà quelques années que le Bureau du vérificateur général (BVG) fédéral renforce ses capacités en la matière. Le BVG a produit un certain nombre de rapports d’audit de performance qui comprennent des constatations et des conclusions fondées sur des analyses recourant à l’exploration de processus. À titre d’exemple, l’exploration de processus a été utilisée dans un audit de l’Agence des services frontaliers du Canada (BVG du Canada, 2017a) afin d’analyser les données recueillies par les systèmes informatiques aux postes frontaliers et d’identifier les schémas anormaux pouvant laisser présager des actes de corruption éventuels impliquant des agents des services frontaliers. Dans deux autres audits (BVG du Canada, 2017b et 2019), les journaux des événements de millions d’appels passés par des Canadiens pour obtenir des services fédéraux ont été analysés afin d’évaluer l’efficience et l’efficacité de centres d’appels dans différents ministères.

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